Oulipo Lu ou Poli ? Oulipo Li Po ou Lulli ? Oulipo Oïl ou Oui ? Oulipo Io ou Lou ? Oulipo ô Oulipo G.P. |
L'OuLiPo,
pour Ouvroir de Littérature Potentielle, est
un groupe de recherches de Littérature expérimentale, crée
en 1960 autour du duo François le Lyonnais - Raymond Queneau.
La principale caractéristique de cette recherche
est l'emploi de la contrainte, pour servir, à la fois la création
littéraire et l'analyse profonde d'oeuvres littéraires.
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Les
"Oulipiens", on doit pouvoir nommer ainsi les membres de cette institution
sérieuse, sont relativement discrets quant à leurs identités
respectives, ou leur nombre collectif.
Une chose reste cependant certaine, lorsqu'on en est membre, on
est membre de l'ouvroir ad eternam, et le fait d'être ou de ne pas
être en vie ne constitue pas un critère d'inclusion ou d'exclusion
pertinent.
Ainsi, d'après les bruits de couloirs et autres vents d'autant
on dit, L'OuLiPo comporterait aujourd'hui quelques 31 membres avérés
et une tripoté de membres potentiels :
Noël Arnaud (Président - membre fondateur) - Marcel Bénabou (Secrétaire définitivement provisoire) - Jacques Bens (Membre fondateur) - Claude Berge (Membre fondateur) - André Blavier - Paul Braffort (Premier membre élu) - Italo Calvino [décédé] - François Caradec - Bernard Cerquiglini - Ross Chambers - Stanley Chapman - Marcel Duchamp [décédé] - Jacques Duchateau (Membre fondateur) - Luc Etienne [décédé] - Paul Fournel (Secrétaire provisoirement définitif) - Michelle Grangaud - Jacques Jouet - Latis [décédé] (Membre fondateur) - François Le Lionnais [décédé] (Président fondateur) - Hervé Le Tellier (Trésorier) - Jean Lescure (Membre fondateur) - Harry Mathews - Michele Métail - Ian Monk - Oskar Pastior - Georges Perec [décédé] - Raymond Queneau [décédé] (Fondateur) - Jean Queval [décédé] - Pierre Rosenstiehl - Jacques Roubaud - Albert-Marie Schmidt [décédé] (Membre fondateur).
NB 1 : Le secrétaire provisoirement définitif et le
secrétaire définitivement provisoire échangent leurs
rôles
chaque année.
NB 2 : Les amateurs auront rapidement remarqué que la liste
des membres avoués de l'Ouvroir ne constitue pas
un panalphabétogramme, mais bel et bien un lipogramme en "x" et
"z", manquent encore quelques Zoziaux.
La LIPO, Premier manifeste Oulipien :
Ouvrons un dictionnaire (1)
aux mots : « Littérature potentielle. » Nous n'y trouvons
rien. Fâcheuse lacune.
Les lignes qui suivent aimeraient, sinon imposer une définition,
du moins proposer quelques remarques, simples amuse-gueules destinés
à faire patienter les affamés en attendant le plat de résistance
que sauront écrire de plus dignes que moi.
*
Vous souvenez-vous des discussions qui ont accompagné l'invention
du langage ?
Mystification, puérile fantaisie, déliquescence de
la race et dépérissement de l'État, trahison de la
Nature, atteinte à l'affectivité, crime de lèse-inspiration,
de quoi n'accusa-t-on pas (sans langage) le langage à cette époque.
Et la création de l'écriture, et la grammaire, est-ce
que vous vous imaginez que cela ait passé sans protestations ? La
vérité est que la querelle des Anciens et des Modernes est
permanente.
Elle a commencé avec le Zinjanthrope (un million sept cent
cinquante mille ans) et ne se terminera qu'avec l'humanité à
moins que les Mutants qui lui succèderont n'en assurent la relève.
Querelle, au demeurant, bien mal baptisée. Ceux que l'on
appelle les Anciens sont, bien souvent, les descendants sclérosés
de ceux qui, en leur temps, furent des Modernes ; et ces derniers, s'ils
revenaient parmi nous se rangeraient, dans bien des cas, aux côtés
des novateurs et renieraient leurs trop féaux imitateurs.
La littérature potentielle ne représente qu'une nouvelle
poussée de sève dans ce débat (2).
*
Toute oeuvre littéraire se construit à partit d'une
inspiration (c'est du moins ce que son auteur laisse entendre) qui est
tenue à s'accomoder tant bien que mal d'une série de contraintes
et de procédures qui rentrent les unes dans les autres comme des
poupées russes.
Contraintes du vocabulaire et de la grammaire, contraintes de la
versification générale, contraintes des formes fixes (comme
dans le cas du rondeau et du sonnet), etc.
Doit-on s'en tenir aux recettes connues et refuser obstinément
d'imaginer de nouvelles formules ?
Les partisans de l'immobilisme n'hésitent pas à répondre
par l'affirmative. Leur conviction ne s'appuie pas tant sur une rélexion
raisonnée que sur la force de l'habitude et sur l'impressionnante
série de chefs-d'oeuvre (et aussi, hélas, d'oeuvres moins
chefs) qui ont été obtenus dans les formes et selon les règles
actuelles.
Ainsi devaient argumenter les adveraires de l'invention du langage,
sensibles qu'ils étaient à la beauté des cris, à
l'expressivité des soupirs et aux regards en coulisses (et il n'est
pas demandé ici aux amoureux d'y renoncer).
L'humanité doit-elle se reposer et se contenter, sur des
pensers nouveaux de faire des vers antiques ?
Nous ne le croyons pas.
Ce que certains écrivains ont introduit dans leur manière,
avec talent (voire avec génie) mais les uns occasionnellement (forgeages
de mots nouveaux), d'autres avec prédilection (contrerimes), d'autres
avec insistance mais dans une seule direction (lettrisme), l'Ouvroir de
Littérature Potentielle (OuLiPo) entend le faire systématiquement
et scientifiquement, et au besoin et recourant aux bons offices des machines
à traiter l'information.
*
On peut distinguer dans les recherches qu'entend entreprendre l'Ouvroir,
deux tendances principales tournées respectivement vers l'Analyse
et la Synthèse. La tendance analytique travaille sur les oeuvres
du passé pour y rechercher des possibilités qui dépassent
souvent ce que les auteurs avaient soupçonne.
C'est, par exemple, le cas du centon qui pourrait, me semble-t-il,
être revigoré par quelques considérations tirées
de la théorie des chaînes de Markov.
La tendance synthétique est plus ambitieuse ; elle constitue
la vocation essentielle de l'Oulipo. Il s'agit d'ouvrir de nouvelles voies
inconnues de nos prédécesseurs.
C'est, par exemple, le cas des Cent Mille Milliards de Poèmes
ou
des haï-kaï booléens.
Les mathématiques -plus particulièrement les structures
abstraites des mathématiques contemporaines- nous proposent mille
directions d'explorations, tant à partir de l'Algèbre (recours
à de nouvelles lois de composition) que de la Topologie (considérations
de voisinage, d'ouverture ou de fermeture de textes). Nous songeaons aussi
à des poèmes anaglyphiques, à des textes transformables
par projection, etc.
D'autres raids peuvent être imaginés, notamment dans
le domaine des vocabulaires particuliers (corbeaux, renards, marsouins
; langage Algol des ordinateurs électroniques, etc.). Il faudrait
tout un long article pour énumérer les possibilités
dès maintenant entrevues, et parfois esquissées.
Il n'est guère aisé de discerner à l'avance,
à partir du seul examen de la graine, ce que sera la saveur d'un
fruit nouveau.
Prenons le cas de la contrainte alphabétique. En littérature,
elle peut aboutir à l'acrostiche dont on ne saurait affirmer qu'il
a produit des oeuvres bouleversantes (cependant, Villon et, bien avant
lui, le Psalmiste et l'auteur des Lamentations dites de Jérémie...)
; en peinture elle donne Herbin, et c'est autrement mieux ; et en musique
la fugue sur le nom de B.A.C.H. et voilà une oeuvre estimable.
Comment les inventeurs de l'alphabet se seraient-ils doutés
de tout cela ?
En résumé l'anoulipisme est voué à la
découverte, le synthoulipisme à l'invention.
De l'un à l'autre existent maints subtils passages.
Un mot, enfin, à l'intention des personnes particulièrement graves qui condamnent sans examen et sans appel toute oeuvre où se manifeste quelque propension à la plaisanterie.
Lorsqu'ils sont le fait de poètes, divertissements, farces
et supercheries appartiennent encore à la poésie.
La littérature potentielle reste donc la chose la plus sérieuse
du monde. C.Q.F.D.
François Le Lionnais (1962)
(1) N'importe lequel.
(2) Comment la sève
peut-elle pousser dans un débat ? Nous nous désintéressons
de cette question qui relève
non
de la poésie mais de la physiologie végétale.
La Mathématique dans la Méthode de Raymond Queneau :
Voici quelques exemples de recherches oulipiennes
et des principales contraintes associées.
Variations :
On pourra choisir les verbes ou les adjectifs
et tenter un V+7 ou un A+7. On peut également diversifier le "pas"
de la transformation, ou son sens, pour aboutir à des S+/- (X1),
V+/- (X2) et A+/- (X3).
On peut également, au lieu du dictionnaire,
utiliser un autre livre source, comme la bible, le coran ou les 3500 recettes
pas chères et faciles de Jacques Martin, par exemple.
Exemple : R.Q. sur la cigale et la fourmi :
La Cimaise et la Fraction
Que ferriez-vous au tendon cher ?
Discorda-t-elle à cette énarthrose.
- Nuncupation et joyau à tout vendeur,
Je chaponnais, ne vous déploie
- Vous chaponniez ? J'en suis fort alarmante.
Eh bien ! dégaboulez maintenant.
R.Q.
(1) N'importe lesquels.
Exemple : Boule de neige de longueur 12.
O
Un
Rat !
Cris !...
Joues
Blêmes
Courses
Eperdues
Moqueries
Ricanantes
Poursuivent
L'effarouchée !...
Variantes :
Boule fondante : commence par un vers de longueur
donnée et décroît d'une unité à chaque
vers.
Variations sur le pas, concaténation
d'une boule de neige et d'une boule fondante afin de former un losange,
boule virtuose (où on n'ajoutera qu'une nouvelle lettre à
chaque pas, en concervant les anciennes).
Exemple extrême : Boule Ultravirtuose : Losange virtuose dans lequel les mots de fonte sont différents des mots de croissance :
N'
En
Nie
Rien
Reine
Serine
Sereine
Entières,
Etreintes !
Reinette
Entière
Ternie
Renie
Rêne
Née
En
N*
* N : Norvège ! Plaque d'immatriculation.
Variante subtile (parmi d'autres) :
Contrainte du prisonnier : Le
prisonnier dans sa cellule ne dispose que de très peu de papier
mais désire écrire une lettre la plus longue possible, il
ne s'autorise donc que le lettres "qui ne dépassent pas" et se privent
donc des lettres : b, d, f, g, h, j, k, l, p, q, t, y, (z à l'écrit
à la main avec une boucle).
Exemple : Contenant toutes les autres lettres permises :
nous, communs amis, écrivons sans ennui une missive, minime corvée, une mine acérée crisse sur un mince écran où se ranime une scène ancienne ressassée en nos souvenirs : ma main crasseuse aux veines mauves caresse en vain, morne exercice, un sexe rasé, car un crime commis en commun nous a associés en ce soir où si sérieux nous conversions sur nos vies. nous nous amusions à rêver sans raison sur un crâne scié : noire caverne inversée où nous venions voir un vin corse cramoisi comme une crinière sur un cranassier crevé.
Exemple, traduction monoclavique en "e" de la fable "Le corbeau et le renard" :
Père Merle perché serre entre
le bec le bretzel ;
Mère fennec est présente :
- Eh, Merle, Révérences ! jette
cette Mère Fennec.
Père Merle se penche et ... le bretzel
descend entre les dents de Mère Fennec.
Père Merle blême et berné
peste ;
Mère Fennec se délecte et rentre
chez elle.
Marie Christine Plassard.
Cette page a été
constituée en grande partie avec l'aide du livre :
"Oulipo - Atlas de littérature
potentielle" dans la
collection Folio Essais chez Galimard, vous y trouverez donc tout le reste
sur l'Ouvroir.
Certains textes ont également
été récupérés, puissent-ils me pardonner,
sur :
Le
site officiel de l'Oulipo : On l'on retrouvera l'actualité de
l'Ouvroir, les rendez-vous, des photos et plein d'autres textes.
D'autres liens sur ma Page des liens
Des exemples de Jeux
Oulipiens