Quelques Versions Personnelles de Jeux Oulipiens



(Retrouvez Chaque semaine les jeux oulipiens sur le site des Sabirateurs, page des liens!)

JEU 1 "Grand Couïc"                             JEU 2 "Mozin"                     JEU 3 "Pari dans la bouteille"
 
 

JEU 4 "Lipogramme"                                JEU 5 "Un aphorisme peut en cacher un autre"





 

Jeu 1 : "Grand Couïc" :

Principe : On prend un texte officiel et connu d'un auteur connu et reconnu et si possible même célèbre. Ou alors on prend n'importe quel autre texte. Et "Couïc" on le découpe en deux dans le sens de la hauteur, (sinon c'est pas le même jeu dans la largeur) et on se marre haha, haha.
Après avoir bien ri du malheureux texte original, le jeu peut commencer, on récupère un morceau qui ne saigne pas trop, on cautérise et on complète un peu comme on veut.

Exemple :
GRAND COUIC sur "Pluies" de St-John Perse :

Texte complet :

          "Lavez le doute et la prudence au pas de l'action,
               lavez le doute et la décence au champ de la vision. Lavez
               ô Pluies : la taie sur l'oeil de l'homme de bien, sur l'oeil de
               l'homme bien-pensant; lavez la taie sur l'oeil de l'homme
               de bon goût, sur l'oeil de l'homme de bon ton; la taie de
               l'homme de mérite, la taie de l'homme de talent; lavez
               l'écaille sur l'oeil du Maître et du Mécène, sur l'oeil du
               Juste et du Notable... Sur l'oeil des hommes qualifiés pour
               la prudence et la décence"

           St-John Perse, Exil, Pluies, VII.

Après passage du Grand couic :

Lavez le doute et
 lavez le doute et la
ô Pluies : la taie sur
l'homme bien-pensant
de bon goût, sur l'oeil
l'homme de mérite, la
l'écaille sur l'oeil du
Juste et du Notable...
la prudence et la

Complétion : (On peut rajouter des contraintes si on veut) Genre : Grand couïc à complétion par effet miroir en double inversion et remplissage par la droite d'Alexandrie : ( On va se marrer... ) Ca donne un truc genre :

   "Lu sur le plafond des toilettes d'une amie de joie, du côté d'Alexandrie justement, que le fard luise à sa paupière"

   LAVEZ LE DOUTE ET l'arrogante hypocrisie
   LAVEZ LE DOUTE ET LA trop flagrante hérésie
   O PLUIES : LA TAIE SUR l'oreiller des bas résille

   L'HOMME BIEN PENSANT sous sa panse de carmélite
   DE BON GOUT, SUR L'OEIL, le monocle s'effrite
   L'HOMME DE MERITE, LA femme qui ne démérite

   L'ECAILLE SUR L'OEIL DU borgne, soudain qui voit
   JUSTE ET DU NOTABLE au regard de nain grivois
   LA PRUDENCE ET LA tendresse ont changé de voie

   Là est la prudence enfouie sous la caresse
   Du notable et du juste la maladresse
   De l'oeil sur l'écaille qui luit et s'empresse

   Las de mérites, l'homme, noyé de puissance
   Sur l'oeil de bon goût l'étincelle de jouissance
   Pensant bien, l'homme, fier de sa solide aisance

   Sur la taie, ô pluies, l'oreille sourde grésille
   Là est le doute, lavez l'odieuse phrénésie
   Et le doute lavez, que passe l'hypocrisie.

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Jeu 2 : "MOZIN" :

Principe : Ecriture d'un texte avec mots imposés.

Exemple 1 :MOZIN avé les mots : gratiné, pentamère, interlock, fléchisseur, espacer, doucereux, défrayer, couenne, capitulation, aviron, âne, affres, thym, suspendre, suivez-moi-jeune-homme (sic Cf. Petit Robert, je vous laisse découvrir), siphon, réverbère.

A donne : Pérégrinations d’un jeune journaliste dans une soirée de gala du festival de Cannes ou : « Déambulations mondaines en mots choisis. »

- Ca, pour un plan gratiné, c’était un plan gratiné !
Le rédac’chef du « réverbère » m’avait fait parvenir l’invitation officielle dix bonnes minutes avant le début de la réception, avec obligation expresse d’en ramener un papier sensationnel.
Sans quoi, avait-il cru bon d’ajouter, je me verrais suspendre définitivement de mes fonctions et serais renvoyé à la pige aux faits-divers.
J’adorais ce boulot et d’ailleurs c’était mon métier.
Déjà deux heures que j’errais, parfaitement incognito et désespérément bredouille, dans le grand salon en pentamère du Carlton.
Et pas une seule anecdote un rien salace jusque là, pour tout avouer, la seule chose un peu salée que j’avais eue à me mettre sous la dent avait été ces petits amuse–gueules au thym, que j’avais accompagnés de deux ou trois coupes d’un champagne doucereux qui devait m’aider à sortir des affres de l’angoisse où m’avait plongé la précarité de mon emploi.
Il y avait bien eu cet échange avec l’américain en interlock à carreaux verts.
J’eus tôt fait de comprendre que ce plat âne ne m’apprendrai rien de suffisamment neuf pour défrayer la chronique.
Il me parlait « révolution cinématographique » et « art audiovisuel pauvre » sur un ton  doucereux où perlait une fausse pointe de surréalisme au forceps, que j’attribuais plus à une ligne de cocaïne qu’à un trait de génie naturel.
Tout en divagant, le type mâchonnait avec passion un toast au jambon de parme, dont un bout de couenne facétieux était venu se loger entre ses deux dents de devant, le forçant à espacer ses remarques transcendantes par un subtile mélange de jeux de langue et d’aspirations stridentes.
Je n’en pouvais plus, ce type à l’haleine chargée d’un melting-pot de jambon rare, de Veuve Cliquot et de thym poussait ma patience en ses derniers retranchements.
J’étais à deux doigts de la capitulation, encore un peu et je hurlais à la protection culturelle, fomentais un coup explosif contre MacDonald’s et renvoyais l’hurluberlu quadrillé à Deauville. Je profitais d’une de ses gesticulations linguales à vertus hygiéniques pour suspendre la conversation et organiser un second débarquement libérateur sur les plages du buffet.
Là je me servis sans ménagement de mes fléchisseurs les plus robustes pour m’oublier encore un peu dans la boisson.
Pour sûr, je ramais !
Si j’étais renvoyé demain, je pourrais toujours me recycler dans l’aviron, j’avais mes chances.
Et c’est alors que sa main a frôlé la mienne, entre le magnum de la veuve et le ramequin d’olives vertes.
Une sensation inouïe, une brève abasourdissante, un scoop terrible, que dis-je, un flash !
Je me retournais vers l’envoyée spéciale, c’était elle !
Plus vraie qu’en 16/9eme, engoncée dans sa robe de soirée style « suivez-moi-jeune-homme », l’apparition, le prime-time !
Ces premiers mots à mon attention ne mentaient pas sur ses intentions et correspondaient au style de sa robe.
Alors je me fis ma « une ».
J’étais gratiné dans mes mocassins en peau d’âne, j’avais le fléchisseur en pentamère et tombais dans les affres doucereuses de la capitulation cardiaque, ma couenne suait tout son thym au travers des mailles de mon chic interlock, mes inspirations s’espaçaient, mon inspiration souquait ferme aux avirons, « suivez moi jeune homme », j’allais peut-être me faire suspendre mais pour sûr, la chronique, c’est moi qui allait la défrayer.
Je suivis donc ma Fanny, ardent j’en confesse, jusqu’au garage où nous attendait sa Ford Mustang.
Avant de monter, puisque cela devenait urgent, je me soulageais le siphon contre un innocent réverbère.

Exemple 2 : Mozin en : préfixe, sublimation, centaure, vernis, mercuriale, débenzoler, cistre, brimbaler, arsouille, amanite, tondeuse. Consigne supplémentaire "Petite scènette se terminant si possible par un mauvais calembour."

(Le cabinet d'un psychanalyste. La scène est dépouillée. Un peu décentrés sur la droite, un divan et à sa droite un fauteuil Voltaire, placés en "V", face à la scène. Entre les deux, une grande lampe sur pied, avec un abat-jour cylindrique rouge bordeaux, éclaire le fauteuil d'un lumière tamisée. Une autre lumière tombante en cône un rien bleutée tombe sur le divan, centrée sur l'accoudoir droit, proche du fauteuil, place où viendra se poser la tête du patient.
- Le patient, nous l'appellerons Mr. D, par commodité et afin de garder sauf le secret médical.
Un professeur d'une cinquantaine d'année, victime d'une étrange pathologie du lexique qui le gêne terriblement dans son enseignement et qu'il ne parvient pas à s'expliquer, cela fait deux mois qu'il a décidé d'entamer une analyse.
D'un chic vestimentaire un peu passé, il reste élégant. Il est allongé sur le divan, tenant de sa main gauche, ballante sur le rebord, sa paire de lunettes. De sa main droite il répète assez régulièrement pour qu'on le remarque, une séquence gestuelle consistant : d'abord à tirer sur le lobe de son oreille droite, le haut puis le bas, puis à passer son index, suivi de près par le pouce, de droite à gauche sur ses sourcils, avant de passer sa main sur son visage, lentement de haut en bas, pour finir par le lustrage d'une moustache imaginaire.
- Le Psychanalyste, (Psy) Plus jeune que son patient, d'un goût vestimentaire plus dans l'air du temps, il bougera très peu, fera ses réponses courtes, sur un ton monocorde mais chaleureux. Il prend des notes dans un grand cahier à couverture de cuir marron, un peu disproportionné.)

- Psy : Bien Mr D., poursuivons donc, si vous le voulez bien. Vous aviez cherché la tondeuse dans la cabane du
            jardin et vous vous apprêtiez à tondre votre gazon...
- Mr D : (Concentré) Et y' avait l'amanite Doc, une énorme amanite en robe bleue plantée sur l' nombril de ma
               p'louse. La robe j'la remet bien, c'est celle de ma régulière, que j'y ai offert pour nos 20.
              Mais pourquoi elle est sur ce gros champignon je vois pas Doc !
              Bref, je mets le bordel sur secteur et je commence à faire mon affaire. J'ignore ma blonde vénéneuse.
              Elle en fait autant d'ailleurs.
- Psy : Vous tondez ?
- Mr D : J'essaye Doc, j'essaye, j'avance avec le hachoir à persil sur roulettes, mais là, Doc, tout se met à partir en
               trouille Doc.
- Psy : en vrille ? Comment cela, quelque chose ne fonctionne pas ?
- Mr D : Ben Doc, c'est peu de l' dire, d'abord c'est ma tête qui se met à brimbaler Doc.
- Psy : à brinquebaler ?
- Mr D : Ah, non Doc, celle-là faut pas m' la faire Doc, que je brimbale, que je brinquebale ou que je bringuebale,
               c'est du pareil aux brèmes Doc.
- Psy : Soit, poursuivez...
- Mr D : Mais je m'accroche Doc, je sens que je dois à tout prix détondre cette pelouse.
- Psy : Une sorte de sublimation onirique ?
- Mr D : Si tu veux Doc, je sublime comme un diable, mais il reste la pelouse  qu'il faut détondre pour que ça soit
              sublime. Alors je pousse le machin Doc, j'avance, malgré ma tête qui titube et l'autre arsouille
              mycomaniaque qui me regarde de sous son chapeau.
- Psy : Ah, votre amanite a des yeux ?
- Mr D : Pourquoi, c'est plus grave que si elle en avait pas Doc ?
              Sur qu'elle en a, mais on peut pas les voir Doc, ils sont planqués. Donc je sais qu'elle m'asticote du regard,
              elle me passe un vernis du bout des occulateurs j'en suis certain. Mais il faut que je détonde, alors j'y vais...
- Psy : Pas "dé" !
- Mr D : quoi pas D ?
- Psy : Et bien vous tondez, vous ne détondez pas, pourquoi ce préfixe ?
- Mr D : Peu importe Doc, il faut que je découpe le gazon, alors j'y vais de cœur joie et là, rien à faire, c'est comme si
               je débenzolais dans un cistre !
- Psy : (Imperturbable)  Ca ne découpe pas ?
- Mr D : Ben non, enfin si ! Mais l'herbe elle repousse juste derrière, y' a rien à faire. Alors je m'harnache à mon
               sort et je redécoupe de plus belle sachant bien que l'aut' phalloïde me zieute.
- Psy : Mais ça ne marche pas ?
- Mr D : Ben non Doc... Comment voulez-vous ? En plus, à ce moment là, y a l'autre type qui se pointe, mi-rosse,
               mi-cosaque, tout en muscles et en mycologie.
- Psy : Mythologie...
- Mr D : C'est ça Doc, vous le voyez aussi hein ? Ben y vient et y me broute mon gazon à moi ! Eté, bien avec ça,
               tout bien découpé comme à la rotative auto-portée.
- Psy : Un centaure..... et il tond votre pelouse ?
- Mr D : C'est ça Doc, alors j'y passe une bonne vieille mercuriale au zig d'olympe, ce chippendale hippophile. Qu'y
               retourne se faire tatouer au PMU que j'y dis. Que faut pas qu'y se croit tout permis et que c'est à moi de
               tondre ma pelouse quand même c'est pas croyable ces choses là.
- Psy : et ?
- Mr D : Et là Doc, je me réveille, faut pas déconner !
- Psy : Bien, nous en reparlerons la prochaine fois, Mr D ?
- Mr D : D'ac Doc, moi je d'mande que ça Doc. Bon, je vais y aller Doc.
- Psy : Oui, à demain Mr D.
- Mr D : Salut Doc ! (Silence, il se dirige lentement vers la gauche de la scène. Il hésite avant de sortir, il sort. Un Temps. Il revient) Ah, Doc, j'oubliais de vous dire, je.....enfin c'est à dire que j'ai.....
- Psy : Oui Mr D ?
- Mr D : Ben c'est à dire qu'avec ma femme, ces temps-ci, je .....
               Doc....je cale en bourre !
- Psy : Oui Mr D, je m'y attendais.... à demain.

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Jeu 3 : "Pari dans la bouteille" :

Principe : (Très Simple) Imaginer un petit texte sur les causes et effets (ou sur tout autre chose) d'un événement improbable, voir impossible ou alors imaginaire, un truc pas vraiment vrai mais en "Si". Exemples de choses pas vraies en "Si" : "Si ma tante en avait...", "Si ma mère savait...", "Si cléopâtre avait eu autre chose qu'un nez au milieu de la figure" etc....

Exemple :

Pari : Si la lune était Bleue ?

Alors voilà, c'est arrivé ce matin, enfin à ce qu'ils ont dit à la radio,
   nous bien sûr on ne l'a vu que le soir venu.
Me demandez pas comment ils ont pu savoir avant.
Y a des trucs comme ça, vaut mieux pas être au courant.
   Ca devait arriver de toute façon, ça traînait aux entournures
à force de magazines "Elle" ou "Marie-claire", de haute couture.
   C'était bien clair que le clair de lune, agiché par le Mari de l'autre,
   allait s'y mettre aussi.
   Et bien notre chère muse a décidé de jouer les starlette de bastringue.
   Si elle croît ça ma muse, mais si elle croit que ça m'amuse !
   Le ciel a perdu son teint blafard.
   La nuit, à sa paupière, a passé du fard.
   Moi ça me fout le cafard.
   Le soir, quand un nuage passe devant ça fait gyrophare.
   Manquerait plus qu'elle pique du rimmel à Cécile.
   Moi j'ose le dire, je l'aimais mieux pâle.
   Maintenant, c'est toutes les nuits Carnaval.
   Alors d'accord, oui, je peste et râle,
   Peut-être bien que je claque une timbale,
   Mais il faut qu'on me rende mon rond d'aspirine,
   Mon croissant de sucre, ma frangine,
   Je vais passer pour un réactionnaire
   Mais si j'attrape celui qui a fait ça, le fou faussaire
   Le gros bleu sur la paupière...
   ...
C'est moi qui vais lui le faire !

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Jeu 4 : "Lipogramme" :

Principe : Le lipogramme est une des contraintes oulipiennes les plus classiques, il s'agit d'écrire, (ou de réécrire) un texte, en s'abstenant de façon stricte et terriblement sérieuse, l'emploi d'une ou plusieurs lettres de l'alphabet. Par exemple, "J'écris cette phrase au hasard juste pour donner un exemple, comme ça" est un lipogramme en "b, f, g, k, q, v, w, x, y, z". Ou bien, 1 + 1 = 2 est un lipogramme panalphabétique. Remarques : i) Les lipogrammes en k, w, x, y et z n'épatent plus personne (Ca ne se publie pas). ii) Le roman "la disparition" de G. Perec, est un lipogramme en "e" un rien plus épatant (Déjà publié).
Bref, la difficulté et le pouvoir zygomatique de cette contrainte dépendent évidemment du choix des lettres bannies.

Exemple : J'ai travaillé un peu sur Jacques Prévert ce week end.
Voici donc un petit Lipogramme en "e" sur le poème "Déjeuner du matin" paru dans le recueil Paroles en 1946.
Comme c'était le week end et que la Formule 1 m'emmerde profondément, je me suis offert une petite contrainte supplémentaire, consistant à ne pas casser les pieds des vers à Prévert. Pour pas trop déranger. Ainsi qu'à respecter le ton et le sens strict du contenu. (Rien à voir avec "le sanscrit du teuton nu").
Tiens pour ceux qui aiment les rapports intimes que peuvent entretenir nombres et lettres : "Jacques", ça fait 7 lettres. "Prévert", ça fait aussi 7 lettres. Le tout ça fait "77".
Moi ça me donne des frissons dans le dos. Comme dit Ray, l'hôte : " Ah, ça ! Ma Muse ! ".
Allez zou, donc ..... ça donne (Original - Lipogrammé).
 

                       Déjeuner du Matin                                     Un qahwa au matin

                     Il a mis le café                                                                         Lors il mit du qahwa
                     Dans la tasse                                                                           Dans un bol
                     Il a mis le lait                                                                           Rajouta du lait
                     Dans la tasse de café                                                              Dans son bol à qahwa
                     Il a mis le sucre                                                                       Pour finir il sucra
                     Dans le café au lait                                                                 Son grand qahwa au lait
                     Avec la petite cuiller                                                               Choisissant un doigt pas trop cracra
                     Il a tourné                                                                                Il agita
                     Il a bu le café au lait                                                                Il a bu son qahwa au lait
                     Et il a reposé la tasse                                                              Il plaça son bol où il fallait
                     Sans me parler                                                                         Sans un mot dit
                     Il a allumé                                                                                 Alors il flamba
                     Une cigarette                                                                            Un cigarillo
                     Il a fait des ronds                                                                      Puis il fit maints ronds
                     Avec la fumée                                                                           Dans son brouillard
                     Il a mis les cendres                                                                   Il mit son surplus
                     Dans le cendrier                                                                       Là où il fallait
                     Sans me parler                                                                          Sans un mot dit
                     Sans me regarder                                                                      Sans un cil sur moi
                     Il s'est levé                                                                                Quittant son pouf
                     Il a mis                                                                                       L'ami mit
                     Son chapeau sur sa tête                                                            Son panama sur son cuir
                     Il a mis                                                                                       L'ami mit
                     Son manteau de pluie                                                                Son cuir anti-flôts
                     Parce qu'il pleuvait                                                                   Puisqu'il tombait flôts
                     Et il est parti                                                                             Or donc il partit
                     Sous la pluie                                                                              Au jour gris
                     Sans une parole                                                                         Ni "hum" ni mot dit
                     Sans me regarder                                                                      Ni un cil sur moi
                     Et moi j'ai pris                                                                           Alors j'ai pris
                     Ma tête dans ma main                                                              Mon scalp dans ma main
                     Et j'ai pleuré                                                                              Mon flôt coula

                    Jacques Prévert                                                                          Jaco Chantgris
                       Paroles, 1946                                                                             Bla Bla, 2000

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JEU 5 : "Un aphorisme peut en cacher un autre" :

Principe : Une fois de plus, rien de beaucoup plus compliqué que la reconstitution grandeur nature de l'enlèvement des Sabines en origami.
Il suffit de choisir un aphorisme, au hasard, dans un bouquin d'aphorismes par exemple.
Ou dans un bouquin de recettes de cuisine pourquoi pas, je ne dis pas non, je dis : je demande à voir. A voir et à manger bien entendu, afin de ne pes rester sur ma faim, d'aphorisme.
Une fois l'aphorisme sélectionné avec humour, ou amour selon le gôut du jour, on peut commencer une petite transformation.
Ce jeu se passe en trois étapes de périphrasage et une étape de réduction. (Ou plus encore si on le souhaite.) On peut donc aisément y jouer à plusieurs et c'est même meilleur.
A chaque étape, on choisit trois arguments de l'aphorisme (étape 1) ou du transformé (étapes 2 à n), que l'on va remplacer par des périphrases.
Après avoir gonflé ainsi l'aphorisme initial plusieurs fois, il est quasiment méconnaissable.
Il faut alors "réduire" le texte obtenu en un aphorisme, en tenant compte de son nouveau contenu. On obtient donc un aphorisme "dérivé" du premier.
On pourra noter "dérivé de rang n", l'aphorisme obtenu après "n" périphrasages (et une réduction) de l'aphorisme de départ.

Exemple : Dérivé de rang trois de l'aphorisme :
 
 

" Rien ne contribue davantage à la sérénité de l'âme,
que de n'avoir aucune opinion."

Georg Christoph Lichtenberg in "Aphorismes"
Sérénité : langueur caractéristique d'un début de soirée aux Marquises

Ame : cette partie du corps que l'on peut vendre au cornu à grand profit.

Opinion : affirmation posée entre doutes et remords.

Résultat intermédiaire : "Rien ne contribue davantage à la langueur caractéristique d'un début de soirée aux Marquises, de cette partie du corps que l'on peut vendre au cornu à grand profit, que de n'avoir aucune affirmation posée entre doutes et remords."
 

Langueur : esquisse de féminité sur un divan de "soi"

Doute : l'improbable départ du peut-être.

Remords : l'interminable retour du pourquoi.

Résultat intermédiaire : "Rien ne contribue davantage à l'esquisse de féminité sur un divan de "soi", caractéristique d'un début de soirée aux Marquises, de cette partie du corps que l'on peut vendre au cornu à grand profit, que de n'avoir aucune affirmation posée entre l'improbable départ du peut-être et l'interminable retour du pourquoi.
 

Corps : tout mobile devoué au maintien et à la reproduction de sa forme.

Cornu : l'époux d'alambic

Affirmation : proposition suivant la mode du "oui".

Résultat gonflé à bloc : "Rien ne contribue davantage à l'esquisse de féminité sur un divan de "soi", caractéristique d'un début de soirée aux Marquises, de cette partie du tout mobile devoué au maintien et à la reproduction de sa forme, que l'on peut vendre à l'époux d'alambic à grand profit, que de n'avoir aucune proposition suivant la mode du "oui" posée entre l'improbable départ du peut-être et l'interminable retour du pourquoi.
 

- esquisse de féminité sur un divan de "soi", caractéristique d'un début de soirée aux Marquises = ECUME (Une histoire de caresse des vagues, de flux et de reflux, ça se tient.)
- de cette partie du tout mobile devoué au maintien et à la reproduction de sa forme, que l'on peut vendre à l'époux d'alambic pour de grands avantages = JOURS (partie du temps et le temps c'est de l'argent, ça se tient.)
- proposition suivant la mode du "oui" posée entre l'improbable départ du peut-être et l'interminable retour du pourquoi = DESIR (Ca se tient.)
D3 ("Rien ne contribue davantage à la sérénité de l'âme,
que de n'avoir aucune opinion.")

=

"Rien ne contribue davantage à l'écume des jours,
que de n'avoir aucun désir."
- - -

(Où l'on découvre que Boris Vian avait sans doute lu Lichtenberg,
Me demandez pas ce qu'il faisait caché là, je n'en sais fichtre rien.)


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